Sélection de quelques textes d’expositions ou d’articles qui parlent de ma démarche :

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Martin Widmer est un photographe qui démonte les images pour mieux enquêter dessus. Il écrit. Sous auto-hypnose ou avec un jeu de cartes. Il se déplace. Il montre son travail, organise des expositions, participe à des éditions en partie en Suisse où on l'a rencontré.

(Théo Robine-Langlois, A-frame)




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Martin Widmer est un artiste Suisse qui réside à Genève. Il a exposé son travail dans de nombreux centres d’art et galeries en Suisse et à l’étranger. Martin Widmer est également curateur, il a, entre autres, fait partie de l’équipe curatoriale du centre d’art Neuchâtel (CAN) de 2011 à 2018. Il y a organisé maintes expositions personnelles et collectives ainsi que réalisé de multiples projets d’éditions.

Si dans un premier temps le travail artistique de Martin Widmer s’est développé autour de la photographie et de la sculpture, il s’est ensuite beaucoup focalisé sur le médium photographique. Il entreprend actuellement un travail d’écriture sous hypnose qu’il met en relation avec son travail plastique.




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Martin Widmer est un artiste genevois dont les médiums principaux sont la photographie et l’écriture. Récemment, Widmer s’est mis à utiliser les matériaux bruts qui constituent habituellement l’objet photographique : verre, plaque d’aluminium, colle, bois, carton, pour créer des installations dans lesquelles le spectateur se trouverait, comme c’est le cas dans cette exposition, en quelque sorte, immergé dans le dispositif même de l’image. Les textes que l’artiste écrit sont rédigés sous hypnose (autohypnose) ainsi qu’à l’aide d’un jeu de cartes : Stratégies Obliques (celui-ci a été inventé, entre autres, par le musicien Brian Eno). Ces textes prolongent, dans un autre espace, le travail plastique de l’artiste.

Pour le projet au Labo, Martin Widmer a tout d’abord écrit, lors d’une séance sous hypnose, un texte dans lequel il se rend à son propre vernissage au Labo. Il découvre alors son exposition,
qu’il ne connaît pas, en même temps que les spectateurs. Ce texte sera lu, avec d’autres, lors d’une soirée de lecture pendant l’exposition (mercredi 31 mai à 18h30). Nous pouvons néanmoins trouver dans l’exposition le plan de cette autre exposition.

L’exposition réelle, visible, dans les espaces du labo, peut être vue, quant à elle, comme une seul grande installation constituée de deux ensembles. Néanmoins, chaque pièce peut être également considérée comme une œuvre indépendante. L’ensemble peut se voir comme une déconstruction” de l’objet photographique en un dispositif installatif et sculptural. Un texte, “Simple Soustraction", écrit toujours sous hypnose ainsi qu’avec le même jeu de cartes, est inséré dans l’installation. L’exposition, “La figure du héros en question”, est principalement constituée de photographies que l’artiste efface, détruit, à l’aide d’acétone ou en utilisant une ponceuse. L’artiste a commencé, avec ces travaux, à détruire ses propres archives d’œuvres. Paradoxalement en faisant ce geste Martin Widmer crée de nouvelles pièces qui feraient presque penser à des peintures. Ces étranges tableaux abstraits, inattendus, apparaissent sur les supports de manière hasardeuse lors d’un protocole dans lequel l’artiste a quelques moyens d’intervenir mais seulement de manière limitée. Comme c’est souvent le cas dans son travail, ce n’est pas tant la disparition qui intéresse l’artiste mais ce qui apparaît à la place de ce qui à disparu. Si certaines œuvres font appel au hasard d’autres dévoilent l’envers des images comme cette carte de jeu posée à l’envers sur un cahier, lui-même, posé sur une tache de colle mélangée à du marc de café. De la même façon, l’envers d’un mode d’emploi de carton plume fait apparaître l’image un peu enfantine d’un dessin d’une petite fille. Plus loin, un dessin au crayon réalisé sous hypnose complète cette exposition dans laquelle tout semble s’être fait en dehors de la maîtrise et de la volonté de l’artiste plaçant celui-ci dans un rôle de spectateur de l’apparition de sa propre oeuvre.

(Texte de présentation pour l’exposition au Labo, Genève 2017)




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Die vier Fotografien von Martin Widmer (1972, Genève), die zurzeit in der Doppelausstellung ‹Un art de la disparition› zusammen mit Jacques Berthet im Centre de la Photographie zu sehen sind, führen auf die Spur der Bewegungen, die wir meist unbewusst beim Fotografieren unternehmen. Wir treten vorwärts und zurück, beugen und strecken uns, um Form und Sinn vor dem Objektiv so stimmig wie möglich zusammenzustücken, und wir führen wieder einen ähnlichen Tanz auf, um unsere Wahrnehmung parzellierende Irrlichter auszublenden, die Linien einer Landschaft oder die Mimik eines Gesichts zu betrachten.


Drei der vier je eine ganze Wand besetzenden Fotografien von Widmer zeigen immer wieder den gleichen an eine Wand gelehnten verstaubten und versengten Spiegel, der ohne Zweifel schon viel gesehen hat. Widmer hat ihn so aufgenommen, dass auf zwei der Aufnahmen ein indirekter Blick aus dem gegenüberliegenden Fenster auf einen nebligen Tag und in eine funkelnde Nacht zu erhaschen ist, während auf der dritten verschwommen eine Ausstellung im Umbau erscheint: Skulpturen, Leinwände und Papierbögen, teils arrangiert, teils in zufälligen Konstellationen abgestellt. Auf der vierten Fotografie ist die Gelatine mit Hilfe von Aceton abgerieben worden. Nur noch fahle Erinnerungen an eine Aufnahme in Magenta, Cyan und Gelb sind auf auf dem Papier zu erkennen. Doch durch aufgeklebte kleine Abzüge, die Schatten einer Skulptur zeigen, hat Widmer das Spiel bereits wieder eröffnet.

Die vier Fotografien des seit 2012 auch als Kurator im Centre d'art Neuchâtel/CAN tätigen Künstlers thematisieren so nicht nur das Medium, sondern Kunst an und für sich als Teil einer intersubjektiven Kommunikation, deren materielle Realität wenig fassbar ist, auch wenn der materielle Aspekt von Kunst gerade im musealen Kontext oft erbarmungslos obsiegt und Kunst dort stumpf zu werden droht. Der die kleine, feine Accrochage wie um einen zusätzlichen Saal erweiternde Text, der unter Autohypnose entstanden ist, treibt diese Einsicht schliesslich auf die Spitze. So begibt sich der Künstler darin in die geheimnisvolle Ausstellung ‹L'Ambiguïté ou la Morte Inoubliée›, die er mit einer beeindruckenden Gleichbehandlung aller Elemente einzig und allein in seinem Gehirn einrichtet und betrachtet.


Kunstbulletin /2016, Katharina Holderegger Rossier, www.artlog.net, 2016 



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L’exposition de l’artiste genevois Martin Widmer « L’Ambiguïté où la Morte Inoubliée » est organisée principalement autour d’une série de photographies de miroirs et d’un texte écrit sous hypnose.

La série Objet VII “Miroirs” déjoue la croyance populaire selon laquelle la photographie est un miroir. Widmer nous propose la thèse inverse en photographiant ceux-ci, sans que ni son œil, ni celui de son appareil n’y apparaissent. Les images montrées au CPG présentent le même miroir photographié sous divers éclairages. Martin Widmer tente de cette manière de cerner la réalité d’un objet qui, la plupart du temps, est vu sans jamais être vraiment regardé. Objet paradoxal de la vision, le miroir, permet à l’artiste de continuer de poser la question qui traverse son travail actuel : « Qu’est-ce que voir ? ». Cette question trouve un prolongement dans le texte, signé de l’artiste et mis à la disposition du spectateur, dans lequel un homme visite une exposition dont l’unique l’œuvre, une photographie, résiste au regard, celle-ci étant masquée par des reflets qui traversent la vitre qui la protège. Mais, ce « il n’y a rien à voir », ce « on n’y voit rien » qui semble être le premier constat que le spectateur, réel ou fictionnel, fait devant les œuvres, n’est finalement que le point de départ d’une aventure visuelle dans laquelle d’inattendues apparitions se manifestent.

Dans le cadre de l’exposition, Martin Widmer lira le 3 mai à 18h30, plusieurs textes de « Simple Soustraction » ; une série de petites nouvelles que l’artiste écrit en se conditionnant avec des techniques d’auto-hypnose ainsi qu’ un jeu de cartes inventé par Brian Eno et Peter Schmidt : « Stratégies Obliques ».

(Texte de présentation pour l’exposition au Centre pour la photographie, Genève 2016).





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L’œuvre de Martin Widmer au CPG prend une résonance poétique particulière. Au centre de son dispositif le miroir règne en maître mais ne s’y retrouve pas ce qu’on attend : la figuration humaine ou plus généralement physique. L’artiste met en question autant la vue que le sens. Les deux s’ouvrent à quelque chose d’insaisissable. Surgit une impossibilité de certitude, de conclusion, de clôture. Et si « L’Ambiguïté où la Morte Inoubliée » plonge le spectateur au cœur des mécanismes de l’image, de la photographie, de la vision ces « Miroirs» paradoxaux déjouent la croyance en ce qu’ils peuvent offrir.



Widmer photographie le même miroir sans que ni son œil, ni son appareil n’y apparaissent. Il photographie donc un objet qui habituellement sert à en montrer d’autres selon un superbe retournement. L’objet plein devient vide, irrécusablement, soumis aux seules variations d’intensité de lumière. Le sens du voir est prolongé par un texte de l’artiste : narration d’un visiteur d’une exposition dont l’unique œuvre exposée résiste au regard…


L’artiste lui même parle de ce travail comme « d’une expérience au cœur même du fonctionnement des images, de leurs ambiguïtés, là où ce qui est vu ne coïncide pas forcément avec ce qui est réellement montré ! ». N’y demeure qu’un flou. Il rappelle que l’être est floué. Aux” mots aux mots sans mots” de “Foirades » de Beckett, répondent ainsi ces images sans images. Tout reste dans l’informe et la retombée. Subsiste un détachement ironique en cette sorte de simplicité : elle n’est pas non insignifiante mais, et bien au contraire, volontairement mal signifiante. Elle est le propre même de la subversion dans l’art.


Jean-Paul Gavard-Perret, De l’art helvétique contemporain, 2016



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Extrait de : Jonathan Binet Martin Widmer  « Serpent » texte de Marie Villemin, édition CAN.


Les images qui constituent l’édition Serpent ont été prises par Martin Widmer lors du montage et du vernissage de l’exposition de Jonathan Binet au Centre d’art de Neuchâtel. Depuis quelques années, les expositions sont devenues des sujets du travail photographique de Widmer. Dans la série Objets V « Phasma », il s’attachait à saisir l’environnement des oeuvres sans les oeuvres, ce que l’espace révèle « autour » et « à côté » de l’œuvre (le dispositif d’exposition, les cimaises, l’ombre des objets2). Widmer a toujours cherché à photographier dans des lieux et à des instants où l’image devient impossible, « lorsqu’il n’y a plus rien à voir », selon ses propres mots. Dans plusieurs de ses travaux, il s’intéresse à des situations dans lesquelles l’objet tend à disparaître : des surfaces réfléchissantes de miroirs, plutôt que l’image réfléchie (Objets VII « Miroir »), des espaces et des objets surexposés par la lumière naturelle (Here comes the sun), ou encore des présentoirs vides qui suggèrent l’objet par son absence (Objets IV « 325’000 »). […]

Mais il s’agissait toujours de l’impossible, de rendre le lieu sans le lieu, la matière sans matérialité, l’espace sans limitation. L’objet, comment le présenter quand il avait cessé d’être pesant, cessé d’être impénétrable, cessé d’être objectif, cessé d’être fixe ; intact et pourtant ruiné.§22 Les récentes séries de Martin Widmer intitulées Présences (« Les Ambassadées », « Le Grand Sans-abri », « Serpent ») témoignent d’une nouvelle approche du photographe ; l’artiste fusionne de plus en plus avec son appareil, qu’il emmène partout et utilise en toutes circonstances. A la limite de l’automatisme, il capte ainsi un grand nombre d’images liées à son environnement proche, et renonce progressivement à focaliser l’objectif sur un sujet clairement défini. En réalisant les photographies de l’exposition de Jonathan Binet, Widmer semble élargir le champ de vision pour obtenir des vues plus atmosphériques. Par ailleurs, il ne s’applique pas à rendre les fonds blancs immaculés de l’espace d’art, habituellement destinés à faire ressortir les objets. Il laisse les flous et les couleurs changeantes du spectre lumineux envahir librement l’image. Widmer s’efforce moins ici de représenter les objets que de capter les dynamiques qui régissent les relations entre l’espace, les êtres et les choses. En faisant cohabiter sur le même plan des éléments appartenant à des territoires différents, il parvient ainsi à en atténuer les frontières. A un autre niveau, Widmer joue continuellement à confondre les pratiques de la photographie (conceptuelle, amateur, appliquée), pour placer « ce qui fait œuvre » dans un espace volatil et indéfini23. Cette ambiguïté, tant de la photographie elle-même que du sujet photographié, constitue le véritable enjeu du travail de Widmer, le moyen dont l’artiste s’empare pour stimuler une expérience de la vision. Après avoir développé pendant plusieurs années un travail de sculpture parallèlement à sa pratique de la photographie, Martin Widmer a renoncé à la production d’objets, tout en continuant de questionner leur dimension sculpturale et phénoménologique à travers les images. La distance que l’artiste prend avec l’objet physique va de pair avec son projet de placer l’expérience de l’art dans un espace toujours plus immatériel. Ses affinités avec la poésie, la philosophie et le langage l’ont amené à réaliser des oeuvres dont la finalité n’était pas l’objet en tant que tel, mais plutôt l’expérience que le spectateur pouvait faire à travers elles. Widmer construit son travail à partir de l’idée qu’une image « n’est pas faite pour être vue, mais pour voir »24. Sa fonction n’est alors pas de représenter, mais bien d’apparaître. Sous cet angle, l’image est action avant d’être objet. Les photographies de Widmer tendent à épouser le fonctionnement du regard, évoluant par rythmes de saisissement et de dessaisissement, d’apparition et de disparition. Pour l’artiste, le processus de création d’une image et la perception de l’image créée ne peuvent se faire que par une succession de mouvements. […]

Tout ce qui est descriptible (contournable) est avoir (existe), tout ce qui existe est image (xiang),
tout ce qui est image est l’air (qi)25

Le processus créatif de Martin Widmer se déroule en un enchaînement de gestes consistant à déplacer les photographies d’un contexte à l’autre, et garantir ainsi leur renouvellement. L’artiste crée des ensembles d’images dont chacune peut exister de façon autonome. Widmer se saisit parfois de l’un de ses tirages pour l’encadrer, puis le photographie à nouveau dans un autre environnement (avec des reflets, une luminosité particulière, ou encore la présence d’une personne). C’est le cas d’une image de cette édition26, qui provient d’abord d’un ensemble, s’en détache pour fonctionner comme un tableau, et réapparaît ensuite sous une forme plus immatérielle dans un texte écrit par l’artiste. Depuis peu, Widmer développe un travail d’écriture lié à ses recherches plastiques. Ces textes décrivent souvent l’auteur immergé dans l’environnement d’une ou plusieurs images qu’il reconstruit mentalement27. Il opère ainsi le déplacement d’une photographie qu’il a vue ou une exposition qu’il a visitée dans un contexte impalpable, qui n’a pas à subir les contraintes de l’espace et du temps. Démultiplier les lieux d’apparition réels et virtuels des images est une façon de leur insuffler d’avantage de mouvement – mouvement signifiant ici non seulement « déplacement », mais aussi « transformation ». En occasionnant ces métamorphoses, Widmer cherche à ce que l’image photographique « ne s’enlise dans aucune forme et maintienne diverses formes compossibles, préservant une ressemblance sans ressembler »28. Sa démarche rejoint l’idée que l’image est vivante, et que l’art n’imite pas la nature mais qu’il en reproduit Plutôt qu’imiter le vivant l’image fait « passer le vivant »29. […]

Pour maintenir les images dans la fluidité du mouvement, Martin Widmer met en place plusieurs dispositifs destinés à empêcher la cristallisation du regard. Il tente ainsi de se libérer du contrôle et des automatismes conceptuels lorsqu’il entreprend des choix de photographies et la formation d’ensembles. Au cours de son processus, il manie parfois des tirages photographiques comme des cartes, et les arrange arbitrairement pour éviter une systématisation logique, de taille, de sujet ou d’importance. Il les lance littéralement en l’air pour observer comment elles retombent, puis les réajuste légèrement, en recommençant plusieurs fois l’exercice30. La disposition des photographies présentées dans cette édition relève d’un tel processus d’assemblage : fondé sur le hasard mais toujours susceptible d’être retravaillé, puis finalement maîtrisé. A l’instar de Jonathan Binet, Widmer traite le hasard comme une matière première, que l’intention vient façonner dans un deuxième temps. Le but des expériences de déconditionnement pratiquées par Widmer Expliquer ce qu’on voit par ce qu’on ne voit pas, le monde visible par un monde invisible. […]


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Mark